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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 10:47

soleil
Pendant longtemps, les livres d’Histoire ont donné des populations de l’An 1000 l’image d’une masse terrifiée par l’imminence de l’Apocalypse, guettant dans chaque manifestation naturelle le signe de l’approche de la fin des Temps. Cette vision a été depuis largement réévaluée. Pour l’immense majorité des hommes et des femmes qui ont vécu le passage du Xe au XIe siècle, l’horreur du quotidien était plus faite de disettes, d’oppression chevaleresque et d’omniprésence d’une nature hostile. Seuls ou presque les clercs avaient à la fois la culture et les repères temporels propres à associer les dérèglements naturels qu’ils observaient aux prévisions apocalyptiques de saint Jean, comme le prouvent deux chroniques régionales narrant les expéditions militaires de l’archevêque de Bourges en 1038 (voir le précédent article sur la prise du château de Bannegon). 

Deux abbayes majeures du paysage spirituel berrichon ont consigné des signes météorologiques et astronomiques précédant les troubles inouïs dont le Berry a été le théâtre lorsque d’Aymon, archevêque de Bourges, se mit en campagne contre les forteresses de Bannegon et de Châteauneuf-sur-Cher. Pour les chroniqueurs de Déols et de Fleury, le désordre moral provoqué par ces deux guerres sacrilèges pouvait être un symptôme apocalyptique, et il n’était pas isolé.

La Chronique de Déols note, assez curieusement, l’ occurrence d’une éclipse de lune survenue à la Pâques 1028, soit dix ans avant les expéditions archiépiscopales. Les sources de la NASA confirment ce phénomène, ayant été visible dans sa totalité en Bretagne et en Espagne. Une lune aux contours atténués par l’ombre de la Terre et à la couleur orangée à marqué les esprits des moines déolois. Je dis curieusement, car il n’est fait aucun cas d’un phénomène dont on aurait pu s’attendre à une portée plus symbolique, l’éclipse annulaire du 29 juin 1033, l’année du millième anniversaire de la passion du Christ, attendue par certains clercs comme la vraie date de l’Apocalypse annoncée.

Cette petite éclipse a été visible de Déols, sa bande de totalité s’étalant d’ouest en est à travers les Charentes, le Limousin, l’Auvergne et le nord des Alpes, mais le chroniqueur du monastère n’en dit rien.

soleil2 

Pour les bénédictins de Fleury, en Orléanais, ce sont des nuées couleur de sang qui envahissent le ciel le 8 août 1038, à partir de midi, et cela pendant deux heures. Le même phénomène, plus long, se reproduit toute la journée du lendemain. Le moine de Fleury constate, mais n’explique pas car, implicitement, le lecteur comprend que Dieu est l’auteur de ces signes qui croissent en intensité. La région connut-elle un épisode orageux d’une densité exceptionnelle, ou fut-elle survolée par des nuages de micro-particules troublant la lumière solaire? On sait que des cendres dispersées par des incendies de forêt ou par des éruptions volcaniques provoquent de tels effets visuels.

A-t-on plus simplement là l’écho d’une autre éclipse annulaire survenue le 22 août 1039, dont l’ombre a balayé la Bretagne, le Poitou et l’Auvergne, donc parfaitement visible du Berry? Un amalgame chronologique est loin d’être exclu.

Les deux chroniques, avec des mots différents, se rejoignent sur un point. Des nuances de la lune d’avril aux teintes du ciel estival, c’est bien la couleur du sang que l’on retrouve, annonciatrice des massacres qui endeuillèrent la région de Bourges lors de cette funeste année 1038.

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18 novembre 2009 3 18 /11 /novembre /2009 21:20



C'est, quelque part entre la Normandie et la région parisienne, un jour d'août 1999, les yeux encore remplis d'un des plus beaux spectacles auquel qu'il m'ait été donné d'assister que je me posais pour la première fois la question de savoir si les berrichons du Moyen-âge avaient eu, eux aussi, l'opportunité de contempler  des éclipses. Après avoir en vain demandé des conseils au Bureau des longitudes, dont le site internet promet pourtant de répondre aux questions des internautes, c'est sur le site de la NASA, grâce à la suggestion d'un lecteur de ce blog, que j'ai trouvé les réponses à cette interrogation née le jour de la dernière grande éclipse totale du deuxième millénaire.

Il est bien entendu difficile de préciser combien de fois le ciel s'est obscurci en Berry de manière assez significative pour que les habitants puissent avoir remarqué des variations de l'aspect du soleil. Plus de 70 éclipses, totales ou annulaires, se sont produites en presque mille ans dans un périmètre -Afrique, Europe du nord ou Atlantique- assez proche pour que des observateurs aient pu, si les conditions météorologiques le permettaient, distinguer une échancrure sur le disque solaire, sans que la luminosité soit affectée de manière à attirer l'attention de toute la population.

Plus intéressantes sont les huit éclipses annulaires et les cinq totales dont les bandes de totalité ont frôlé le Berry entre 447 et 1415. Parmi celles-ci, quatre (961, 1033, 1321 et 1415) se sont produites à la fin du printemps et en été, à des saisons où l'on peut le plus espérer une météorologie clémente favorable aux observations.

Les données de la NASA permettent de relever, entre 536 et 1010 uniquement, cinq éclipses annulaires dont les bandes de totalité ont balayé les régions du Centre. Le disque solaire, obscurci en son centre, est resté visible sous forme d'un anneau de lumière éblouissant, mais la lumière du jour a sensiblement diminué, sans que se produise une obscurité diurne totale.

 

Les deux grands soleils noirs qui ont marqué le passé, à défaut de l'histoire du Berry, datent du 5 mai 840 et du 16 juin 1406. Alors que les premières attaques normandes se produisaient sur le littoral de l'empire carolingien et que le roi de France tentaient de chasser les troupes anglaises de ses domaines, les pays du Centre ont été plongé dans une nuit brève et presque totale de plusieurs minutes. Ces phénomènes, même si la météo n'était pas favorable à une contemplation de la translation du disque lunaire devant le soleil, n'ont pu être ignorés des habitants de nos régions.

Si on ne peut se faire aucune illusion pour la période carolingienne, il serait intéressant de chercher dans les chroniques du début du XVe siècle si la dernière grande éclipse visible du Berry n'a pas été consignée par un témoin de l'époque.

  


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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 09:50



Connue par une copie de 1472 conservée par les Archives départementales du Cher, la charte d’affranchissement de la petite ville de La Perche, en vallée du Cher, est un intéressant témoignage des ambitions économiques de la féodalité régionale à l’époque des Croisades. De date incertaine, cette charte a été rédigée par le dernier Ebe de Charenton avant son départ pour la Terre Sainte en 1189. Une autre charte, de même inspiration, est accordée à la ville de Saint-Amand à la même époque. 

La franchise de la Perche n’est pas en soi un texte exceptionnel. L’essentiel des articles conservés fixe les dispositions judiciaires et fiscales auxquelles devront se plier les habitants de cette nouvelle entité et les forains qui pourraient être amenés à y séjourner et à y faire du commerce. La charte fixe des droits de chasse dans les champs, de pêche dans le Cher et autorise des prélèvements de bois d’œuvre et de chauffage dans un taillis des environs. Quelques privilèges de justice sont accordés aux bourgeois de La Perche.

On aurait tort de considérer la charte de franchise de La Perche comme le témoignage d’une situation existante. Ce texte illustre principalement les ambitions économiques de la seigneurie de Charenton dans un secteur-clé de son domaine: la vallée du Cher.

La Perche se situe en effet sur le tracé de l’ancienne voie antique qui reliait Bourges à la région de Montluçon. Cette route, qui franchissait le Cher à Allichamps, croisait un autre axe qui rejoignait châteaumeillant. Le secteur était particulièrement sensible car plusieurs forteresses furent élevées le long de l’axe (Orval, Ainay-le-Vieil, Epineuil, Vallon...). Au XIIe siècle, avec la croissance de Saint-Amand et la circulation d’hommes et de marchandises en direction du Nivernais et du Berry déolois, un passage sur le Cher est aménagé à Orval, qui devient le carrefour entre ces deux voies économiques et stratégiques. Cette situation n’a bien entendu pas échappé aux Charenton, qui cherchent à favoriser les échanges économiques pour en retirer des dividendes. Plusieurs foires se tiennent dans l’année à Saint-Amand, Bruère ou Charenton. Le chevalier Ebe de Charenton choisit le site de La Perche pour élever une nouvelle ville en partie dédiée au commerce. Outre la proximité de la route, la rivière est une voie de circulation dont on peine à évaluer l’importance aujourd’hui mais on trouve la mention d’un “port” à La Perche au XIIIe siècle. Une grosse fontaine à proximité du village est probablement un atout à ne pas négliger.

Il est impossible de juger l’entreprise du seigneur de Charenton en terme de succès ou d’échec. Les plus pessimistes remarqueront que La Perche est une toute petite commune et que le bourg ne garde aucune trace de son passé médiéval, à part dans le tracé de ses rues, circulaire comme presque partout. D’autres feront observer que le village existe encore, ce qui n’est pas le cas de toutes les villes-franches contemporaines. Celle de Boisroux, fondée conjointement par l’archevêque de Bourges et le seigneur de Châteauroux, n’est plus qu’un pré où un de mes amis récoltait le foin pour ses moutons. L’erreur des Charenton est peut-être tout simplement dans la redondance des deux chartes, Saint-Amand et La Perche, qui n’offraient aucune différence significative pour les nouveaux venus dans la région. Saint-Amand ayant déjà  un statut de place économique, l’intérêt de venir faire commerce à La Perche était certainement loin d’être flagrant.

Une curiosité assez rare pour être signalée. Grâce aux bons soins de la municipalité est désormais visible une très ancienne croix qui pourrait bien être une authentique croix de justice par laquelle était marquée la limite géographique de la franchise. Le texte de la charte note l’existence de l’une d’elles au bord du Cher. Si tel était le cas (mais, en l’absence de style sculptural vraiment prononcé), sa présence assez loin du centre du bourg actuel pourrait indiquer qu’Ebe de Charenton ne manquait pas d’optimisme dans ses ambitions.

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17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 10:06


blasons XVe, croix de Coust (18)

On connaît la valeur que certains accordent à l'héraldique, cette science auxiliaire de l'Histoire. Lors de mes recherches préparatoires à mon doctorat d'anthroponymie médiévale, j'avais pu ébaucher quelques recoupements entre les informations délivrées par les chartes régionales et un document très connu dans le milieu des héraldistes, le Rôle d'armes Bigot, ancienne transcription de plus de trois cents blasons de chevaliers ayant, en 1254, accompagné le comte d'Anjou dans une expédition en Hainaut, dont la seule copie connue est conservée à la BNF.

Je n'ai pas la prétention d'apporter quoi que ce soit de neuf sur ce sujet, mais il m'a semblé qu'isoler les chevaliers du Berry ayant participé à cette chevauchée pouvait intéresser certains lecteurs. Voici donc une liste de plusieurs féodaux du Berry partis mettre leur épée au service de Charles d'Anjou dans la seconde moitié du XIIIe siècle. J'ai volontairement omis de rajouter les millésimes traditionnellement accolés aux noms chevaleresques. Ajouter un numéro à un patronyme seigneurial (Ebbes VI de Charenton, par exemple) est complètement anachronique et particulièrement inapproprié dans le cas de familles seigneuriales dont on ne connaît que des fragments de la généalogie. Ce confort d'historien moderne étant étranger à la société médiévale régionale, j'adopte ici, comme dans toute mes communications, le modèle en usage à l'époque.

Chevaliers dont les noms ont pu être vérifiés par d'autres sources:

- le comte Jean de Sancerre (Jehans de Sansuere)


- Henri de Sully (Henri de Sorli) 

La famille de Sully, quoique ligérienne, possédait plusieurs fiefs en Berry.


- Guillaume de Chauvigny, seigneur de Châteauroux (Guillaume de Chauvigny)


- Jean de Chauvigny, seigneur de Levroux (Jehans de Chauvigny)

De la famille du précédent, ces féodaux sont originaires du Poitou.


- Rannoux, seigneur de Culan (Renould de Tuleh)

Souvent à tort nommés Renaud (nom attaché à la famille de Graçay et à sa branche cadette de Montfaucon), les Culan sont vassaux de la seigneurie de Châteauroux.


-Hubert de Presle (Hubliers de Praele)

Vielle famille dont le fief est situé dans l'Indre, Hubert de Presle ne peut être identifié que grâce à une mention aux Archives départementales de ce département.


Chevaliers sur lesquels je ne dispose d'aucune information:


-Jean de Périe? (Jehan de Perie)

(seigneurie de Buzançais?)


-Guillaume de Naillac (Guillaume de Nellac)

(seigneurie du Blanc - sud de l'Indre?)


Le lecteur trouvera sans difficulté sur ses moteurs de recherches habituels des sites spécialisés en héraldique qui proposent des restitutions des blasons décrits, mais non représentés, dans l'armorial Bigot.


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15 juin 2009 1 15 /06 /juin /2009 10:24



Le chartrier de l’abbaye cistercienne de Fontmorigny a conservé la copie du testament de la dernière dame de Charenton, épouse du seigneur Renaud de Montfaucon et mère au destin douloureux dont tous les enfants décédèrent. Cette femme, dernière héritière directe de la lignée des Ebe de Charenton, rédige en 1243 un testament par lequel elle dote un nombre important d’établissements religieux tant séculiers que réguliers. Les legs testamentaires sont principalement des rentes à prélever sur les activités économiques qui animaient la région de Charenton au XIIIe siècle, comme des foires, péages et revenus fonciers.

Ce testament doit être comparé à celui que Renaud de Montfaucon rédigea quelques années plus tard. La plupart des bénéficiaires des œuvres de son épouse sont cités, mais les deux actes ne sont pas complètement parallèles. Les termes employés par les scribes dans l’un et l’autre testament laissent un certain nombre de zones d’ombre sur le statut exact de plusieurs bénéficiaires, qualifiés d’églises ou de prieurés et le croisement des deux sources est insuffisant pour dresser une carte des possessions monastiques dans le sud du Berry.

Mathilde de Charenton couche sur son testament neuf abbayes, dont plus de la moitié accueillent des moniales: Charenton et Bussière (10 livres tournois), La Ferté (40 sous), Beauvoir et Orsan (20 sous). Bussière, Beauvoir et La Ferté sont cisterciennes, Charenton bénédictine et Orsan fontevriste.

Trois monastères de cisterciens sont cités: Fontmorigny et Noirlac (20 livres) et Loroy (20 sous) ainsi que les grandmontains de Fontguedon (20 sous).

Mathilde dote également deux prieurés, Allichamps et Epineuil (ou Epignol - les deux paroisses sont presque homonymes en latin) pour 20 sous.

L’Hôtel-Dieu de Bourges reçoit 100 sous tournois ainsi que les Frères mineurs (12 livres) et Frères prêcheurs (10 livres) de cette ville. C’est aussi l’église Saint-Étienne de Bourges qui reçoit la plus forte rente (60 sous) avec celles de Levroux et de Chalivoy-Milon. Suivent pour 20 sous la Celle-Bruère et pour 10 Sagonne, Neuilly-en-Dun, Drevant, Colombier, Saint-Amand, Orval, Arcomps, Vallenay, Le Veurdre et Saint-Augustin.

Les Templiers de la vallée du Cher - l’hôpital de Farges et la commanderie de Bruère-du-Temple - reçoivent 10 sous de rente par établissement.

Deux informations sont incertaines, et doivent être considérées avec prudence. L’église du Landois (60 sous) dont le nom rappelle l’abbaye cistercienne du Landais, dans l’Indre, qu’on peine à identifier et l’abbaye de la Ferté, dotée aussi par Renaud dans son testament, qui n’appartient pas au diocèse de Bourges et dont la localisation la plus logique serait en Saône-et-Loire où une abbaye fille de Cîteaux vit le jour au début du XIIe siècle. Or, le testament parle de moniales et le monastère de la Ferté était une communauté masculine. Il est possible qu’il s’agisse d’un couvent de cisterciennes placé sous l’autorité des Frères de la Ferté comme, en Berry, Bussière l’était avec les moines de Noirlac.

Sans surprise, on observe que l’essentiel du legs de Mathilde de Charenton intéresse un périmètre appartenant au patrimoine de sa famille, avec quelques exceptions telles Bourges, Levroux et peut-être le Landais et la Ferté. Il est intéressant de noter la part des congrégations féminines dans la liste des bénéficiaires, dont le prieuré fontevriste d’Orsan qui est oublié par Renaud de Montfaucon dans son propre testament.

 
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25 octobre 2008 6 25 /10 /octobre /2008 09:20


Ayant eu la chance d'accéder à une belle collection de sceaux médiévaux berrichons soustraits à leurs chartes d'origine, il me semble juste de partager avec les lecteurs le plaisir d'admirer de si beaux objets. Les deux pièces présentées en illustration sont des sceaux en cire verte, avec lacs de soie, du duc Jean de Berry.
L'accès à cette collection privée s'est fait sous condition de respect de l'anonymat des détenteurs de ce fonds, connu des Archives départementales du Cher et de l'Indre. 

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8 octobre 2008 3 08 /10 /octobre /2008 09:11

(sceau médiéval - collection privée à Bourges)

Les archives municipales de Saint-Amand-Montrond, dépositaires des lambeaux du chartrier du couvent de Carmes (occupé aujourd'hui par l'hôtel de ville), ont conservé la narration d'un miracle attribué à une œuvre d'art aujourd'hui perdue, l'image de Notre-dame de recouvrance. Nous ignorons tout du support matériel de cette figure de la Vierge, tableau ou statue, mais on sait que sa notoriété était assez grande pour attirer vers Saint-Amand des pèlerins qui étaient entre autres hébergés à l'hôtel de l'Image - référence explicite à la Vierge - lors de leur séjour saint-amandois. Cette auberge changea de nom lorsqu'elle se transforma en relais de poste et fut alors connue en tant qu'hôtel de la Poste, qui conserve encore aujourd'hui une tradition hôtelière.

Les archives des Carmes perpétuent le souvenir de deux miracles attribués à l'Image. Le premier traduit plus une foi locale qu'une intervention directe de l'entité miraculeuse. Un ouvrier carrier, pris dans éboulement du front de carrière, est retrouvé sain et sauf par les sauveteurs persuadés de chercher un cadavre et non un rescapé. Le malheureux déclare devoir la vie à Notre-dame de recouvrance.

Le second récit est beaucoup plus précis et évoque une guérison miraculeuse. Sa transcription donne à quelques détails près ce qui suit:


"(...)  daté du vingt  troisième jour d’Aoust  mille cinq cent  trois, et ce qu’une femme nommée Andrée veuve de Jean Telin paroissienne de Taulmier native du village des Reynarts paroisse d’Orsan estant en necessité ... de sa personne ayant memoire de Dieu et de nostredame de recouvrance, fist sa requeste à la dite dame,  ... necessité qui estoit une maladie en forme de (catarce) en telle sorte qu’elle ne parloit ny ne mouvoit sauf du bras dextre  et fut depuis le vingthuitième de juillet jusqu’au douzième du mois d’aout lajusqu’au douzième du mois d’aout lensuivant save par le boire ny manger ny remuer un membre sauf que sondi bras dextre; pour laquelle affliction il luy vint en memoire de voüer et recommander a nostre dame de recouvrance en promettant a son createur la venir voir aussitot en son eglise et chapelle du couvent des Carmes en la ville de Saint Amand, et alors se fit ammener en ladite eglise et chapelle, portée devant l’image de notre dame de recouvrance, peu de temps après elle parla fort bien, fut guerie de sa maladie qu’elle avoit en son corps et puis se tourna et marchoit fort bien, comme le tout est plus amplement déclaré (...)"

 

Selon le texte, cette paroissienne de Thaumiers guérit de ce qui ressemble à une hémiplégie à la seule vue de l'image de la Vierge, rappelant le rôle de médiation de certains objets de culte entre la sphère divine et le monde des humains. L'image est l'intermédiaire entre la Vierge et le croyant et a valeur de relique d'autant plus nécessaire que la Bonne Dame, comme on l'appelait encore récemment en Berry, n'a laissé presque aucune trace matérielle de son séjour terrestre.

Il est bien entendu que l'historien n'a pas à se prononcer sur la véracité du contenu de ce récit - chacun juge ces événements selon sa propre appréciation du fait religieux ancien - mais qu'il dispose par ce type de témoignage d'informations irremplaçables sur l'univers mental dans lequel évoluaient les gens de la région à la fin du Moyen-âge.

 

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10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 08:53

On ne saurait sérieusement comparer les archives municipales de Saint-Amand-Montrond (18) avec les Archives départementales du Cher. Déposées et conservées dans le fonds local de la Bibilothèque municipale de Saint-Amand, quelques liasses permettent à l'historien ou au généalogiste de compléter ses recherches. Peu de sources médiévales authentiques y sont consultables, mais on remarque la présence de quelques liasses de la fin du Moyen-âge à la Renaissance, dont des terriers, testaments, archives seigneuriales et monastiques dont quelques pièces de l'ancien couvent des Carmes de Saint-Amand.

L'amateur de calligraphie peut y découvrir, entre autre, une série d'initiales ornées de belle facture agrémentant la lecture d'un terrier du XVIe siècle.

L'historien y trouvera quelques éditions rares dont une série presque complète de l'édition des chartes de l'abbaye de Cluny dont certaines intéressent directement l'Histoire régionale.

Dans le sud du Cher, la mairie de Dun-sur-Auron possède aussi un petit service d'archives. Un acte authentique du roi Philippe Auguste en est la pièce la plus ancienne et la plus rare.

 

 


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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 23:14

Primitivement destinées à alimenter la refonte de la Gallia Judaica, et sans aucune nouvelle des auteurs de cette initiative, il peut être intéressant pour les lecteurs de connaître quelques sources sur la présence de communautés juives dans plusieurs grandes villes de la région. Les références bibliographiques sont disponibles sur simple demande. La plus ancienne mention date de 1184. Isaac Uradis, juif de Bourges, se fait confisquer sa maison par Philippe Auguste, qui l’offre à son maréchal, Matheus de Bituric. En 1280, la dame de Vierzon réclame un juif arrêté par les gens du roi, car le prisonnier n’a pas été pris en flagrant délit. Sensiblement à la même époque, le prieur de Saint-Benoît-du-Sault veut expulser les juifs du Sault mais le vicomte de Brosse s’y refuse. En 1294, c’est au tour des juifs de Nevers d’être expulsés par Philippe le Bel. Enfin, en 1323, c’est Perrin de La Queux, gardien des prisons royales de Bourges qui laisse échapper, moyennant finances, des “juifs et autres malfaiteurs des prisons de Bourges”. Deux tendances se distinguent dans ce court échantillon: la brutalité royale à l’égard des israélites, et la protection seigneuriale dont ceux-ci bénéficient dans les villes où l’influence du souverain est faible. Souvent utiles pour la gestion des domaines seigneuriaux, les juifs placés au service des grandes maisons féodales sont protégés par le statut que leurs confère l’importance de leurs fonctions de prêteurs ou de changeurs. Le roi de France, disposant de revenus qui lui permettent d’entretenir des services fiscaux et comptables encore rudimentaires mais suffisants pour subvenir aux besoins courants du palais et du domaine royal n’a aucun intérêt à la présence de juifs dans son royaume et évolue dans un univers mental qui fait des adeptes de la première religion du Livre des déicides. Les persécuter s’inscrit dans une logique de croisade permanente.
 
© Olivier Trotignon 2008
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26 juin 2008 4 26 /06 /juin /2008 12:43

danseuse - chapiteau de l'église de Bourbon-l'Archambault (03)

Le hasard réserve parfois à l’historien d’heureuses surprises, principalement dans des champs de recherches qui lui sont inhabituels, tels que les Arts et la Littérature. Inconnue de la plupart des écrivains de l’Histoire du Bourbonnais, une œuvre romanesque médiévale, le roman de Flamenca, a retenu toute notre attention.

Le livre, dont l’auteur est anonyme, a probablement été écrit vers 1272-1275. La langue employée par le narrateur est l’ancien provençal et le ton s’apparente à celui en usage dans toute la littérature méridionale initiée par les troubadours. Considéré comme l’ancêtre de la littérature romanesque française, ce roman ne semble jusqu’à présent jamais avoir attiré l’attention de historiens régionaux. Pourtant, le romancier occitan a choisi Bourbon comme espace romanesque, et l’un de ses seigneurs, Archambault, comme personnage central d’une intrigue amoureuse impliquant Flamenca, sa jeune épouse et Guillaume, séduisant comte de Nevers. L’action semble se situer en 1223 ou 1234, soit presque un demi-siècle avant la composition de l’œuvre, et met en situation plusieurs grands féodaux des pays du Centre. S’il n’est pas question de narrer l’intrigue (le lecteur y perdrait le plaisir d’une lecture à laquelle les présentes lignes n’ont pour seule ambition que d’inviter), la découverte du roman ouvre un large éventail de questions sur l’environnement historique qui a accompagné la composition de cette fiction de l’époque des croisades.

L’auteur écrit dans une langue étrangère au Bourbonnais, le Provençal. S’il est bien difficile de savoir comment s’exprimaient les gens de ces régions au XIIIe siècle, il est permis de supposer que la haute féodalité était bilingue, maîtrisant le Français et l’Occitan, complétés par des rudiments de Latin pour les plus cultivés. Dans tous les cas, le Provençal était une langue méridionale bien éloignée des pratiques bourbonnaises. Il serait intéressant de comprendre pourquoi le romancier a choisi Bourbon pour situer une fiction destinée à un lectorat de la France du Sud, d’autant plus qu’il est évident qu’il possédait sur la région des précisions qui n’ont rien de fictives. Le roman insiste sur le thermalisme à des fins ludiques et curatives, propre à l’ancienne cité des Bourbon. Sa connaissance des personnalités politiques de l’espace ligérien (Bourbon, Nevers et Blois) est correcte, quoique limitée aux plus grandes maisons féodales. Il est possible que cet Occitan ait voyagé au nord de sa région d’élection et ait séjourné à Bourbon, collectant ainsi assez d’informations exactes pour nourrir la fiction qu’il projetait de composer. On peut aussi admettre que la singularité du thermalisme de la ville de Bourbon ait pu avoir à l’époque une réputation dépassant les monts d’Auvergne. 

La possibilité qu’un seigneur de Bourbon ait pu voyager dans l’espace méridional n’est pas à écarter. Bourbon, Nevers et Blois étaient aux XIIe et XIIIe siècle de puissantes seigneuries, dont la capacité offensive en cas de conflit devait être appréciable. Sans que l’inventaire n’en ait encore été fait de manière exhaustive, on sait par les archives du clergé régulier que presque toutes les grandes maisons féodales de la France du “centre” ont participé à l’une ou l’autre des croisades prêchées par la papauté entre 1099 et 1250. L’auteur de Flamenca peut avoir croisé la route d’un seigneur de Bourbon et de son équipage sur une des routes les conduisant vers la Terre Sainte. Sans aller aussi loin que l’outre-mer, certains chevaliers ont accompli au début du XIIIe siècle leur vœu de Croisade en accompagnant le roi de France combattre l’hérésie cathare de la vallée du Rhône au pays toulousain, espace dans lequel la langue employée par le romancier était commune à de nombreux lettrés. La dernière piste que suggère le roman lui-même est celle d’un tournoi, organisé à Bourbon même, ayant opposé un certain nombre de lances venues de régions éloignées du Bourbonnais. Toute la fin du roman raconte les préparatifs et la tenue d’une joute organisée par Archambault de Bourbon sous les murs de son château, ayant réuni des chevaliers venus de la France entière. La réunion d’une telle rencontre était tout à fait à la portée du sire de Bourbon -on relève la trace d’un tournoi à Châteauneuf-sur-Cher au début du XIVe siècle, seigneurie beaucoup plus modeste- et la capacité attractive d’un pareil événement pouvait être considérable. La description du blason de la maison de Bourbon plaide en faveur de cette thèse, mais les armoiries ornaient aussi l’équipement des chevaliers lors de leurs expéditions militaires. Le romancier occitan a peut-être rencontré un témoin ou un participant à cette épreuve martiale, ou lu un écrit rédigé à cette occasion, aujourd’hui perdu, et choisi de faire revivre dans son roman d’amour une partie des protagonistes dont la présence avait le plus marqué les esprits d’alors.  

Nous conclurons en regrettant de ne pas avoir trouvé dans les sources historiques médiévales de la région matière à confirmer, ou infirmer, la réalité d’événements anciens qui auraient pu inspirer au conteur méridional l’histoire de la belle Flamenca. Cette simple simple réserve n’altère en rien le plaisir que l’on éprouve à voir vivre sous la plume du poète des lieux aujourd’hui livrés à la ruine et revivre dans notre imagination des figures éteintes depuis des siècles.

 

 

note: la littérature médiévale compte peu de lecteurs, aussi les éditions de textes anciens ne sont pas légions. La dernière livraison grand public du roman de Flamenca a été éditée par Jean-Charles Huchet, Flamenca, roman occitan du XIIIe siècle, 10/18, bibliothèque médiévale n°1927, 446 pages, Paris 1988. Cette édition est épuisée mais reste encore disponible chez certains bouquinistes et librairies spécialisées.

 

 

© Olivier Trotignon 2008

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Dans l'objectif de partager avec le grand public une partie du contenu de mes recherches, je propose des animations autour du Moyen-âge et de l'Antiquité sous forme de conférences d'environ 1h30. Ces interventions s'adressent à des auditeurs curieux de l'histoire de leur région et sont accessibles sans formation universitaire ou savante préalable.
Fidèle aux principes de la laïcité, j'ai été accueilli par des associations, comités des fêtes et d'entreprise, mairies, pour des conférences publiques ou privées sur des sujets tels que:
- médecine, saints guérisseurs et miracles au Moyen-âge,
- l'Ordre cistercien en Berry;
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- la femme en Berry au M.A.;
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- le fait religieux en Berry de la conquête romaine au paleo-christianisme...
- maisons-closes et la prostitution en Berry avant 1946 (animation réservée à un public majeur).
Renseignements, conditions et tarifs sur demande à l'adresse:
Berrymedieval#yahoo.fr  (# = @  / pour éviter les spams)
Merci de diffuser cette information à vos contacts!

Histoire locale

Pour compléter votre information sur le petit patrimoine berrichon, je vous recommande "le livre de Meslon",  Blog dédié à un lieu-dit d'une richesse assez exceptionnelle. Toute la diversité d'un terroir presque anonyme.
A retrouver dans la rubrique "liens": archéologie et histoire d'un lieu-dit

L'âne du Berry


Présent sur le sol berrichon depuis un millénaire, l'âne méritait qu'un blog soit consacré à son histoire et à son élevage. Retrouvez le à l'adresse suivante:

Histoire et cartes postales anciennes

paysan-ruthène

 

Cartes postales, photos anciennes ou plus modernes pour illustrer l'Histoire des terroirs:

 

Cartes postales et Histoire

NON aux éoliennes géantes

Le rédacteur de ce blog s'oppose résolument aux projets d'implantation d'éoliennes industrielles dans le paysage berrichon.
Argumentaire à retrouver sur le lien suivant:
le livre de Meslon: non à l'éolien industriel 

contacts avec l'auteur


J'observe depuis quelques mois la fâcheuse tendance qu'ont certains visiteurs à me contacter directement pour me poser des questions très précises, et à disparaître ensuite sans même un mot de remerciement. Désormais, ces demandes ne recevront plus de réponse privée. Ce blog est conçu pour apporter à un maximum de public des informations sur le Berry aux temps médiévaux. je prierai donc les personnes souhaitant disposer de renseignements sur le patrimoine ou l'histoire régionale à passer par la rubrique "commentaires" accessible au bas de chaque article, afin que tous puissent profiter des questions et des réponses.
Les demandes de renseignements sur mes activités annexes (conférences, contacts avec la presse, vente d'ânes Grand Noir du Berry...) seront donc les seules auxquelles je répondrai en privé.
Je profite de cette correction pour signaler qu'à l'exception des reproductions d'anciennes cartes postales, tombées dans le domaine public ou de quelques logos empruntés pour remercier certains médias de leur intérêt pour mes recherches, toutes les photos illustrant pages et articles ont été prises et retravaillées par mes soins et que tout emprunt pour illustrer un site ou un blog devra être au préalable justifié par une demande écrite.